3 OCTOBRE 2021 - TAVIGNY
Le lendemain, j’étais sur terrain parfaitement connu, à Tavigny. J’ai commencé à y chasser en 1986, lors de la Coupe du Monde au Mexique. Mais ce n’est que deux ans plus tard, en 1988, que Papa m’a offert mes deux premiers chiens, des bâtards de Beagles et Jagdterriers. Avec elle, je chassais beaucoup le lapin (sans le tirer, c’était la décision des chasseurs) derrière la maison jusqu’au Doyard. Plus de cent lapins sur quelques centaines de mètres seulement.
Quand j’y réfléchis, je me rends compte que plus de trente ans plus tard, les choses ont bien changé. Ni en bien, ni en mal. Des pages se sont tournées, toujours vives en rêves et en souvenirs. Papa est parti. Le braconnage à la Raboliot que l’on pratiquait n’est plus présent. Les Castors et les Ratons-Laveurs se sont introduits (lâchés malgré une interdiction) et impactent les forêts et les placements des petites gens pour assurer un plus à leur retraite. Les traquettes à 10 chasseurs et 4 traqueurs sont devenu des battues à 35 chasseurs et 15 traqueurs. Les repas d’une soupe et une tartine sont souvent devenu des repas chauds. Les journées de chasse nombreuses et sans « sous », sont devenu payantes et chères pour les organisateurs. Les tableaux ont changé, la mentalité de chasse également. La chasse étant une passion, je ne considère pas ça comme une évolution, mais juste comme un changement de contexte. Je ne peux pas dire que je ne m’amuse plus, mais je n’ai plus cette gaieté et cet esprit d’évasion quand j’arrive et lâche mes chiens. Malgré tout, la passion est là, et le respect des gens qui m’entourent aussi. On peut parfois me considérer pessimiste, mais ce n’est pas le cas. Je suis juste nostalgique d’une période révolue.
Qu’en est-il devenu de Tavigny ? Comme dans beaucoup d’endroit, je pense que la situation est identique à celle que je viens de décrire. Pas de changement ni dans le bons sens, ni dans le mauvais sens. Juste un changement d’atmosphère, et un doublement du nombre de chasseurs. Par-là, il est évident qu’on ne pouvait pas continuer à fonctionner comme auparavant. Bien des choses ont changé. Je le sens depuis quelques années, mais je commence seulement à le ressentir. C’est très bien pour les jeunes chasseurs, sans doute. Je comprends qu’à trente ans, on n’a pas conscience de tous les avantages qu’on avait étant jeune. Il est logique de vouloir un tableau, de considérer le paiement des traqueurs comme quelque chose de normal, les numéros de poste comme une évidence, et d’autres points qui ne me viennent pas à l’esprit. De mon côté, je ne suis pas vieux. A 45 ans, je suis « entre deux âges », comme le dirait Georges Brassens dans « Le temps ne fait rien à l’affaire ». Mais je me sens comme une pièce en place dans un moteur, qui n’apporte rien, mais n’enlève rien. La pièce qu’on décide de conserver, mais qui passe inaperçu. Ça ne me chagrine pas, mais ce qu’on a en nous, tellement difficile à structurer et à décrire, n’est plus ce qu’on a ressenti des années auparavant. Un copain qui chasse là aussi, du même âge, disait la même chose et a structuré cette approche. Malgré un âge jeune à nos yeux, nous avons toujours chassé avec des personnes plus âgées. Cette période est bientôt révolue, et les signes avant-coureur marque en tout cas le fait de tendre la main pour tourner une page. Il avait raison, et m’aide finalement à comprendre. Euh… J’arrête d’écrire ça car j’ai l’impression de jouer les rabat-joie.
Donc, la chasse. Toujours très jolie à Tavigny grâce à la grandeur du territoire, et son emplacement très préservé des routes importantes et des accidents. On y a vu très peu de chevreuils, sans doute impactés ici aussi par le climat peu propice de l’été.
J’y avais emmené QUEEN, PELUC, SCARLETT et SOOTIE.
QUEEN
Pour QUEEN, géniale de bout en bout. Très active, toujours en recherche malgré le peu d’animaux présents. Très belle gorge, rapidité, à l’écoute, jamais fatiguée. Elle n’a mené que deux fois, dont la première sur un chevreuil arrêté par le chasseur. La seconde, où elle et PELUC ont traversé le POUHOU via les Douglas et la fagne, avant de remonter vers la Bouchaille. Je les ai récupéré à 100 mètres du chapiteau du village, en les voyant traverser la rivière profonde à cause des Castors. Rien à redire sur elle, je la vois déjà gagnante cette année, et j’espère ne pas me tromper.
PELUC
Rien à dire. Excellent, mais moins stylé que QUEEN. La dominance se marque chez QUEEN, plus vive à comprendre et interpréter les situations. Mais clairement, PELUC est capable de faire la même chose, dans un style plus simple et facile à comprendre.
Il a par contre montré deux blessures à la fin de la journée, dont la patte arrière droite coupées à plusieurs endroits sur le coussinet. J’ai mis de l’Alu-Spray pour sécher le coussinet, et je mettrai de l’Iso bétadine alcoolisée si besoin. Mais maintenant, il est déjà guéri donc pas de souci.
SOOTIE
Plutôt décevante, car elle a chassé une petite heure, puis s’est arrêtée et m’a suivi. A plusieurs reprises, elle s’asseyait et se léchait les pattes avant. Aujourd’hui, elle est comme d’habitude, mais il est vrai qu’elle a fait les ronces durant une heure, d’où peut-être cette tendance à ralentir. N’étant pas dans ses habitudes pour elle qui n’arrête jamais, je vais juste fermer les yeux sur ce passage à vide, lors de sa première sortie de l’année.
SCARLETT
Vient enfin la petite dernière, SCARLETT. D’abord, d’où vient-elle. Les personnes qui connaissent ma façon d’élever sauront que c’est une « Chemin de l’Epine », de Lamballe. Ceux qui savent sur quelles techniques je me fonde sauront que sa génétique est consanguine. Ceux qui savent comment je choisis un étalon sauront que j’ai ce qu’il faut pour confirmer cette consanguinité.
Donc, l’histoire : QUEEN a été saillie par PELUC, et la nichée était homogène et excellente. Ayant déjà vu des signes avant-coureurs chez trois chiots, j’ai contacté Eddy (mon beau-frère), Olivier Monfort (un traqueur ayant demandé un chiot femelle il y a deux-trois ans) et Frédéric Trécherel, éleveur du « Chemin de l’Epine » en Bretagne.
Eddy et Olivier étaient là pour conserver la lignée à portée de main. Frédéric était intéressé pour un chiot, 100% de chez lui et élevé sur les mêmes origines, avec des frères et sœurs, mais aussi l’apport direct de CAPORAL sur deux nichées. Frédéric m’a fait part de 2-3 nichées très intéressantes chez lui, dont une qui a vraiment capté mon attention. On retrouve COPELIA et CAPORAL en seconde génération, parents de MARQUISE. Du côté paternel, on retrouve OSCAR qui est le fils de HELIOT II et HUNAUDAIE, eux-mêmes issus de URLEUR X EMERAUDE et de CAPORAL X COPELIA. Une magnifique consanguinité ultra-réfléchie. Parfaitement en ligne avec celle que je pratique sur MAYLA dont le vrai nom est ELSA, sœur de EMERAUDE, et CAPORAL. Ayant déjà deux mâles en vue, la génétique était tip-top ce qu’il fallait pour focaliser sur les mêmes bases, écartant très bien du côté d’ELSA/EMERAUDE et rappelant le sang de URLEUR et COPELIA sur d’autres nichées. Et évidemment toute la génération précédente avec SYMPA, TITAN, VAGABONDE, ROXANE, REGATE, mais aussi la présence de VERONE Diaouled Rouz et COQUINE Dialoued Rouz, déjà mentionnée sous son petit-nom, COPELIA.
Sur le terrain, SCARLETT se montrait nickelle dès le début, avec un caractère parfait. Lâchée dans la prairie avec les autres chiens, elle se montrait intégrée d’entrée de jeux. C’était déjà très positif. Restait à voir son comportement sur le terrain, sa réaction lorsqu’elle sentira les odeurs autour d’elles, ou lorsqu’elle verra partir QUEEN et PELUC, lâché en même temps qu’elle. Sa réaction par rapport aux coups de feu également, qui est très importante pour la suite, les chiens timides ou mal approchés sur ce point pouvant poser problème.
Les résultats étaient excellents. Aucune timidité et très franche, elle a cherché durant la plus grande partie de la matinée, jamais derrière et presque toujours devant avec QUEEN et/ou PELUC. Elle a démarré avec eux lorsqu’ils sont parti sur la première menée, sans savoir pourquoi. Mais elle était sur la ligne du chevreuil, et a forcément senti quelque chose. Quoi, elle ne peut pas encore le savoir. Mais elle a découvert quelque chose. Elle a entendu quelques coups de feu et n’a pas du tout réagi si ce n’est de tendre l’oreille. Elle entre dans les ronces et les épines sans même regarder ce qui l’entoure, uniquement en sentant quelque chose ou pour suivre QUEEN et PELUC. Je répète ce point car c’est très positif. Elle s’est immédiatement lié à ces deux chiens, mes meilleurs. Les choses se sont fait naturellement, mais après quelques approches au chenil aussi puisque c’était la façon dont je voulais qu’elle évolue… au rythme de QUEEN. C’est la raison pour laquelle QUEEN a été la seule chienne lâchée en même temps que SCARLETT.
Donc, excellente première sortie, sous un climat assez bon pour la voie, même s’il aurait pu être meilleur. Les grosses chaleurs ont été évitée, et le sol était plus chaud que l’air, ce qui était un bon contexte. Par ailleurs, l’absence d’animaux a fait qu’elle n’a pas eu 36 raisons de réagir, et a pu se concentrer sur les 2-3 chevreuils levés, dont un qu’elle a suivi durant une dizaine de mètres en se demandant ce que c’était.
J’ai arrêté de chasser à midi, pour trois raisons : (1) Le fait de ramener SCARLETT qui avait assez vu avec deux heures sur le terrain ; (2) Voir Maman car Tavigny est à 1h20 de la maison et les trajets sont longs – Tavigny étant « chez » elle et favorable au fait de ne pratiquer qu’une demi-journée ; (3) J’étais fatigué de Vendredi et de la veille, et ma santé est quelque peu impactée par les traitements reçus – Je voulais dormir une heure avant de rentrer, et être prêt pour la journée du lendemain. Etant indépendant, je ne peux pas me permettre d’arriver fatigué au travail, et dois pouvoir être à 100% sur le boulot.
Grosso modo, deux très belles journées pour ce premier week-end, en termes d'observation des chiens.