Le prix d’un chiot
Ici, je vais parler des charges financières de l'élevage, pour une nichée. Car j'entends souvent des commentaires par rapport à l'inutilité des pedigrees, et je trouve cela désolant.
Vous envisagez l'achat d'un chiot et vous avez envie qu'il soit inscrit au "L.O.S.H.", donc au livre des origines de la Belgique. L'éleveur vous renseigne et donne le prix du chiot, 650 EUR chez moi, TVAC. Et là, on me répond "J'ai trouvé des chiens à la moitié de ce prix sur internet", ou encore, "Si je ne prends pas le pedigree, vous me faites une réduction sur le prix ?"
Très honnêtement, je trouve cette question déplacée.
Vendre un chien sans pedigree rapporte bien plus qu'un chiot déclaré et élevé dans les règles de l'art avec pedigree. Indépendamment des origines précises qui permettront au connaisseur d'avoir un avis rapide sur la question, le fait de fournir un pedigree m'amène à une certaine rigueur.
Je vais me permettre de donner ma façon de faire, sans aucun jugement, mais pour que les choses soient claires pour les personnes qui me contactent.
Réalisation d'une nichée
Si une nichée est décidée, c'est parce que j'ai besoin d'une succession.
Parmi mes adultes actuels, je n'ai fait porter que deux femelles sur un total de sept chiens, en Griffon Fauve de Bretagne. C'est peu, mais ça donne déjà une idée des charges financières, par rapport au gain potentiel, et j'insiste sur ce dernier mot. Sur une nichée, je conserverai une femelle, voire plusieurs. Le choix du ou des chiots se fera lorsqu'ils auront 8.5 semaines.
Si j'en conserve plus qu'une, ce sera pour une sélection plus approfondie durant un à trois ans. Il est facile de comprendre les charges financières qui auront lieu durant ce temps.
Dans mon cas, les mâles tombent à l'eau. J'ai CAPI qui ne reproduira pas car il est irrégulier sur le terrain, malgré de belles qualités. PELUC est excellent, mais je n'ai pas encore eu besoin de l'utiliser. Je préfère focaliser sur les femelles, et focaliser sur un mâle qui sort largement du lot en phénotype et génotype, afin de garantir un maximum de choses avec les chiots.
Dans ce cas, les charges sont élevées :
- Trajet (je ne vais qu'en Bretagne pour identifier le mâle) : Carburant et péages
- Vérification des chaleurs de la chienne, car elle n'est "ouverte" que durant quelques jours : Prises de sang, avec factures du vétérinaire et du laboratoire
- Le coût de la saillie, et sachez que le mâle a coûté aussi cher que la chienne
- Les risques de non-grossesse
Les problèmes héréditaires à éliminer
Durant l'élevage, on n'utilise pas certains chiens suite à des soucis, parfois mineurs. J'ai une chienne qui a des problèmes d'oreilles. Sales, car mal formées à l'intérieur (conduit trop serré). Un détail peut-être, mais elle ne reproduira pas. C'est un souci de santé.
Certaines races vont aller plus loin, pour cause de problèmes existants dans la race, en demandant des tests coûteux tels que Ataxie, APR, HD ou autres. Il est logique que dans ces races, les coûts soient plus élevés car ces tests sont chers. J'ai connu ce problème dans une autre race, avec une mauvaise radio de la dysplasie "C", autorisée à la reproduction mais avec un risque. C'était dommage, et j'ai donc laissé partir ce chien en précisant qu'il ne reproduirait plus. Je précise que la dysplasie n'était pas nécessairement génétique, d'autant qu'une seule hanche était "limite".
La saillie
Imaginons que la saillie se soit bien présentée. La chienne a trois ans. En admettant que vous l'ayez acheté chez un éleveur sérieux, vous aurez donc les charges suivantes :
- Achat : 600 EUR
- Nourriture : 1.300 EUR en comptant le sac à 64 EUR pour 18 kg
- Vaccination : 3 années à 75 EUR au total (toutes vaccinations), soit
Au total, la chienne a donc une "valeur" (un très mauvais mot, mais c'est juste pour la logique de l'article) de 2.000 EUR. Ajoutez à cela le coût de la saillie, avec les prises de sang et analyses pour détecter la date de saillie préférable, le carburant et le payage, et nous arrivons à 3.000 EUR environ.
Ce coût, vous le comprenez bien, ne signifie pas que tout a réussi, mais simplement que la saillie a été réalisée.
La gestation
Pour mon cas, à nouveau, car c'est différent dans chaque élevage.
La gestation a lieu durant 6 semaines dans le chenil, avec les autres chiennes.
A 7 semaines, elle entre dans la maison, dans une pièce située à côté du salon, avec chauffage au sol, et le matériel correspondant : Caisse de mise-bas, lampe-chauffante, couverture, médicament au cas où, et de quoi passer le temps. A partir de là, sortie plusieurs fois par jour, car la chienne n'est pas habituée à l'intérieur. Par chance, mes chiennes sont toutes propres, et j'ai donc rarement un "incident". Je ne compte pas les frais pour ce matériel, car il est réutilisable.
Par contre, nous avons les coûts pour l'échographie, la radio, et les visites vétérinaires. Ayant confiance en mes chiens, je vérifie tous les jours, et me contente une palpation régulière pour m'assurer que tout va bien. Mais certains éleveurs font ce type de tests, et cela leur coûte aussi de l'argent.
Durant la gestation, la nourriture est adaptée pour la chienne, avec augmentation légère.
Naissance
Tout s'est toujours bien passé chez moi, mais je demande tout de même une visite vétérinaire deux jours après la naissance. Durant la naissance, mes chiennes ont plus de dix chiots, parfois 14 ou plus. Il est très fréquent que l'un ou l'autre ne survive pas plus de quelques heures, parce que la chienne ne porte pas de lait durant les deux premiers jours, mais surtout du colostrum pur. La nourriture est donc limitée dans un premier temps. Je considère cela comme une règle de sélection naturelle, et laisse faire. Je m'assure juste que chaque chiot a sa place, au fur et à mesure des premières "têtées". J'essaie d'agir le moins possible, car la chienne à l'instinct, et sait ce qu'elle fait. Je ne fais pas d'anthropomorphisme.
Je n'ai jamais eu le cas, mais une césarienne n'est pas à exclure, voire même une perte de la chienne durant la mise-bas. Il est important d'avoir un vétérinaire à disposition durant la nuit, car je n'ai encore jamais vu de mise-bas en journée. Il faut être présent, et la nuit de la mise-bas est souvent stressante.
Mes chiennes sont très maternelles, mais il peut arriver qu'elle ne soit pas capable de s'occuper des petits, et il faut alors l'aider. Imaginez les heures passées chaque jour, avec des biberons, y compris durant la nuit car les chiots n'ont évidemment pas un agenda pour manger.
Nous en sommes toujours à 3.000 EUR, et c'est surtout du temps qui est consommé actuellement.
Il faut malgré tout ajouter les documents à fournir, afin de faire reconnaître la nichée : Enregistrement de la saillie, enregistrement de la naissance, déclaration du nombre de chiots. Chaque fois par recommandé. Ce n'est pas trop coûteux, mais environ 13 EUR à chaque fois.
Les chiots
Ici, on va avoir un maximum de frais :
- Pedigree
- Vaccination
- Vermifuge
- Prise ADN et encodage
- Puce électronique
On arrive vite à 250 EUR par chiot, soit dans mon cas, un coût supérieur à 2.000 EUR au total.
Si on ajoute cela au 3.000 EUR de valeur de la chienne, on voit tout de même un investissement important.
Lors de la vente des chiots, chacun sera accompagné d'un "Certificat de Santé", obligatoire au Moniteur Belge. Je suis très satisfait de ce point, car je trouve que c'est un minimum vis-à-vis du futur acquéreur.
La socialisation
Durant la croissance, pendant plusieurs semaines, les mères sortent plusieurs fois par jour dans un grand parc. Les chiots sortent aussi, car ils doivent découvrir leur environnement : Herbe, fleurs, terre, soleil. Les sorties sont courtes, de 10 à 15 minutes seulement, mais se font parfois jusqu'à dix fois sur la journée. L'objectif est de leur faire découvrir le monde, tout en étant très attentif. Ils doivent savoir que les cailloux ne se mangent pas, ils doivent se faire "mal" de façon à apprendre la soumission et la dominance afin de pouvoir se comporter en groupe. Les chiots doivent rencontrer un maximum de choses jusqu'à 8.5 semaines. Les enfants jouent avec tous les jours. A chaque fois qu'une personne passe dans la maison, et c'est heureusement très fréquent, je leur montre les chiots afin qu'ils sentent une autre odeur et entendent une autre voix.
La vente
A 9 semaines, après que j'ai choisi mon ou mes chiots, l'ensemble peut partir et retrouver l'amour de sa nouvelle famille. Les chiots sont vendus 650 EUR TVAC. Lorsque vous voyez les charges qui pèsent sur cette saillie, en sachant que de nombreux problèmes peuvent survenir, il est très simple de comprendre que l'aspect mercantile n'existe pas. Le prix est très faible, et le gain est pratiquement inexistant.
Trouver des chiots moins chers
On trouve des chiots de même type bien moins cher. Mais comment sont-ils nés, comment les parents ont-ils été sélectionnés, le vendeur répondra-t-il présent en cas de problème ? Peut-être que oui, peut-être que non. Je ne peux pas juger, car chaque cas est particulier, mais la question se pose, évidemment.
Si vous voulez un chien de type Griffon Fauve de Bretagne, je vous en trouve un en peu de temps.
Mais si j’y regarde avec un oeil averti :
- Dos trop long qui s'usera vite, avec problème squelettique. Essayez de courir longtemps avec un mauvais dos, on en reparlera
- Manque de bassin, particulièrement gênant chez les femelles, avec un gros risque de perte de la chienne durant la grossesse. Ce point est transmis génétiquement, donc autant par les mâles que les femelles
- Manque d'ouverture de poitrine qui laisse entrevoir un manque de circulation d'air (important pour la gorge et la vitesse)
- Taille qui n'est pas en rapport avec la morphologie des pattes, et oblige le chien à se plier pour mettre le nez au sol
- Et toute une série de problèmes esthétiques tels que le poil, la pigmentation, la couleur des yeux, des oreilles trop courte ou trop longues ou mal pliées, ou pire, une mauvaise mâchoire.
Oui, le chien sera de type qui ressemble fort à la race, mais il n’aura pas été élevé comme il se doit. Comment assurer une robustesse dans ce cas.
Les bâtards ou simplement les chiens sans pedigree, sont très lucratifs lorsqu'une saille est organisée, car les frais sont minimes.
Mais pour moi-même, après avoir eu pourtant un grand nombre de bâtards et corniauds, mais aussi un certain nombre de chiens de races (les parents avaient un pedigree) mais non-sélectionnés avec attention, je préfère focaliser sur une race, le Griffon Fauve de Bretagne, et une lignée, le "Chemin de l'Epine" qui se traduit chez moi avec mon affixe "de la Hache de Vaa". Cela me permet de focaliser sur une lignée exceptionnelle depuis 40 ans, qui a donné des résultats époustouflants, toutes races confondues. Ce n'est pas par vantardise, mais simplement parce que je ne veux pas (ou plus) sauter d'une lignée à l'autre, par faute de résultats. Cela fait maintenant 14 ans que je l'utilise, avec plusieurs pertes durant la chasse, et je me rends compte à quel point je suis à l'aise avec cette lignée. Une lignée qui, en dehors de l'aspect qui m'impressionne à la chasse, offre des chiens équilibrés et intelligents, calmes au chenil, et très simples à faire rentrer car ils sont facilement propres. Ils sont jouettes, et adorent les enfants. Que demander de plus.
Voici les raisons pour lesquelles un prix de 650 EUR par chiot est loin d'être excessif. C'est justifié, et permet de fournir des chiens de qualité qui satisferont leurs maîtres. Un chiot plus grand, plus âgé, aura un prix supérieur mais sera un excellent choix. J’ai laissé partir un CACIB en Suède. Un chiot, intialement sélectionné pour moi, a été offert en France et a obtenu un "brevet de chasse à 120 pts" lors de sa première présentation, à peine l'âge minimum requis obtenu. Un autre chien aussi, est parti en Allemagne, et a été sélectionné pour deux saillies. Deux chiens sont partis en Afrique du Sud dans la province du Limpopo, où l'un d'eux a fait naître de nombreux chiens d'une qualité supérieure. L'un de ces deux chiens avait 3.5 ans, et ses qualités était évidemment connue. La génétique est très importante, et c'est la base de ma sélection. Je partage beaucoup avec les éleveurs qui souhaitent des échanges de données, pour autant que ce ne soit pas des "vérifications" mercantiles qui m'excèdent dans le milieu de l'élevage canin.
Mais pour en revenir aux chiens qui s'en vont, il est clair qu'ils ne sont pas mauvais, au contraire. Je viens d'en laisser partir une, chienne de 1 an, que je pensais faire concourir en compétition. Une autre, ELSA, une chienne qui est sans doute la meilleure que j'ai connu dans ma vie, est partie en Suède à l'âge de sept ans. Elle y a une vie magnifique, à la maison, chez un chasseur qui lui offre la meilleure vieillesse dont on pourrait rêver pour un chien.
Conclusion
Pour conclure, gardez en mémoire ce que vous venez de lire avant de dire à un éleveur passionné par son travail qu'il se fait un maximum d’argent sur le dos de ses chiennes. Sachez que dans la quasi-totalité des cas, l'éleveur qui a un certain nombre de chiens aura du mal à nouer les deux bouts, et à simplement réaliser une opération blanche, c-à-d. un gain de zéro. Ce qui le fait travailler correctement, c'est sa passion, et sa passion uniquement.